Remarques Toulon@Venir EP elargissement A57 19 04 2018

le 19 avril 2018

à Monsieur Bernard Grimal

Président de la commission d’enquête

sur la déclaration d’utilité publique

de l’élargissement de l’ A57

Monsieur le Président,

L’association Toulon@venir tient d’abord à remercier le maître d’ouvrage pour la communication complète des documents du dossier d’enquête et pour la réunion d’échanges préalables au début de l’enquête. Cela a permis un exposé à nos adhérents du projet et de recueillir leurs avis.

Il faut tout d’abord souligner que la concertation sur ce projet est ancienne, puisqu’elle date de 2008 (la prise en considération par l’État, encore plus ancienne, date de 1985) et donc d’un temps où la perspective de construction d’un tramway sur l’axe Est-Ouest de l’agglomération était proche. Ce contexte, puisqu’il favorisait aussi les alternatives aux déplacements en véhicule automobile, a permis l’acceptabilité d’un projet routier.

Depuis la périurbanisation à l’Est de la métropole (Cuers, la Farlède, …) s’est largement accrue, des pôles d’activités ou d’attractivité notamment commerciales, se sont développés (Transfix, l’Avenue 83, Castorama, Décatlhon pour ne citer que quelques-uns) sans aucune restructuration significative du réseau de T.C. ou viaire, autre que la fermeture à la circulation d’une partie de l’avenue de l’université à La Valette. On pourra rappeler utilement qu’à La Garde le barreau des Plantades, prévu par le dossier de voirie d’agglomération et qui devrait permettre un nouvel accès à la zone industrielle Est en forte mutation, n’a toujours pas été réalisé.

Analyse du projet

Évolution de la congestion :

D’après l’étude du maître d’ouvrage le projet améliore la fluidité du trafic.

Ces deux schémas démontrant la fluidification du trafic s’expliquent facilement par l’ajout de la troisième voie, or la congestion trouve son origine dans les points d’échanges et il manque au dossier une analyse prospective des trafics sur ces points.

Par exemple pour l’échangeur de La Bigue l’évitement de l’encombrement ne semble pas assuré au-delà de 2033.

Les reports de circulation depuis les voiries nationales départementales ou communales :

Ce point est fondamental car c’est un des arguments du projet concernant la diminution des temps de trajet et retenu comme le principal bénéfice socio-économique, or on remarque dans l’avis de l’autorité environnementale page 13 :

Nous considérons que la modélisation des reports de trafic vers l’autoroute est insuffisante et mérite une étude plus approfondie intégrant les perspectives de développement des communes traversées et une modélisation plus fine des points d’échange afin d’assurer la validité in fine du bilan socio-économique.

Le P.D.U. de T.P.M. ne prévoit l’achèvement de la réalisation d’un schéma des infrastructures routières qu’en 2020 alors que c’est aujourd’hui que ce schéma permettrait de démonter la validité du scénario retenu.

L’utilisation de la B.A.U. pour les T.C. :

Cette disposition même si elle présente un bilan économique moins favorable que le projet ne le prévoyant pas, n’appelle pas de remarques, puisqu’elle tend à favoriser les T.C., toutefois le maître d’ouvrage indique qu’il n’a pas eu accès aux données concernant les taux de remplissage des bus et nous constatons que d’après les estimations données par le réseau Varlib et le réseau Mistral le gain net de voyageurs par jour est de 300 et 850, ce qui semble très modeste. Nous ne pouvons qu’espérer un renforcement de l’attractivité de ces bus.

Le projet soumis à concertation comportait sur la voie sud une bretelle d’accès direct à l’hôpital Sainte Musse, elle n’apparaît plus dans le projet, cela conduit à se poser la question de l’accessibilité des secours en cas de congestion et donc de la gestion de l’occupation de la B.A.U. en amont de l’accès à l’hôpital.

La halte autoroutière de Sainte-Musse :

A ce jour, ce projet paraît indigent, pour le parfaire il faudrait que l’ensemble des interconnections T.E.R., T.C.S.P. et bus soit traité par un seul maître d’ouvrage dans un souci de fonctionnalité et de qualité des espaces et circulations. On devrait pouvoir imaginer des espaces abrités conviviaux permettant une attente confortable pour les voyageurs autre qu’un quai en bordure d’autoroute ainsi qu’un stationnement sécurisé au moins des cycles.

Ce qui conviendrait c’est une vraie gare d’interconnexion entre les trois modes de T.C.

Cette gare sera complétée, pour l’accès au T.C.S.P. pour les automobilistes, par la parc-relais prévu sur le site libéré par l’ancien marché de gros.

Par ailleurs on peut noter qu’aucun parc relais ne semble possible à proximité, le P+R de Sainte-Musse prévu est à une distance de 1300m par un cheminement peu sympathique.

Il existe ainsi aujourd’hui un grand intérêt pour une étude sur la fonctionnalité et la localisation du pôle d’échange dit de Saint-Musse.

Les traversées en mode doux :

Si le projet améliore la praticabilité des franchissements existants, il ne propose qu’un nouveau passage, initialement souterrain et désormais surplombant l’autoroute au niveau du stade Léo Lagrange, le passage Cassin. Nous constatons que son débouché au Sud sur des espaces publics n’est pas assuré.

Le maître d’ouvrage exprime dans le rapport, et le regrette, que les collectivités n’ont pas proposé de nouveaux franchissements piétons ou cycles ce qui aurait permis de réduire la coupure urbaine créée par l’autoroute.

Ainsi la proposition d’un passage dans le prolongement de l’avenue Lavoisier à la Valette proposé lors de la concertation n’apparaît plus.

C’est la conséquence d’un manque d’anticipation, d’un défaut de schéma complet d’organisation des modes actifs, il est attendu, le P.D.U. n’exprimant que des vœux de « promotion » de certains axes cyclables.

Le bruit :

L’autorité environnementale retient une augmentation du bruit en 2043 de 3 à 10 dB(A) ce qui est considérable.

Le maître d’ouvrage, puisque l’augmentation de bruit dépasse 2 dB(A), propose des murs anti bruit de 4m et une isolation phonique des façades directement exposées.

Les murs anti bruit renforceront l’effet de coupure et interdiront la valorisation commerciale des activités adjacentes et dispenseront d’une réflexion sur requalification de l’urbanisation aux abords de l’autoroute.

Leur effet esthétique n’est jamais probant en milieu très urbain.

En climat méditerranéen, ou la ventilation naturelle est essentielle pour rafraîchir les logements, l’isolation phonique est insuffisante pour garantir un confort estival.

Il faudrait s’attacher à réduire le bruit en réduisant la vitesse à 70km/h par exemple comme dans le tunnel et en mettant en oeuvre un revêtement de la chaussée absorbant le bruit, même si sa durabilité exigera de le reprendre dans quelques années.

La pollution atmosphérique :

On peut noter qu’un établissement de santé désormais en construction au sud-est du Tombadou n’est pas recensé comme établissement sensible.

Plus généralement la diminution de pollution repose sur des hypothèses de trafics qu’il faudra consolider (voir §suivant) mais surtout sur l’amélioration des motorisations de V.P., comme le demande l’autorité environnementale. Cette hypothèse mérite d’être assurée au regard des constats récents de falsification des données par les constructeurs automobiles.

Nous constatons que le projet prévoit une dégradation de la qualité de l’air à sa mise en service. Une hypothèse d’amélioration qui devrait être affinée, par rapport au scénario de référence n’est constatée qu’à un horizon lointain et encore pas en partie Est.

La pollution engendrée par l’autoroute est aujourd’hui significative comme le démontre cette carte d’Air Paca 2016, nous ne pouvons que regretter que cet élargissement ne puisse démontrer son innocuité.

Risque inondation et pollution des milieux aquatiques :

Il ne nous est pas apparu que le traitement des eaux recueillies sur la chaussée serait suffisant d’une part pour ce qui est du volume puisque le projet ne remédie que partiellement au manque actuel de bassin de rétention et que la décantation est une solution imparfaite pour traiter la pollution chronique.

Phase chantier :

Nous n’avons pas trouvé dans le dossier d’indications sur la localisation des installations de chantier, aussi nous souhaitons fermement que soit évité l’occupation de terrains destinés particulièrement au projet de T.C.S.P., ce qui en différerait encore durablement la réalisation.

En outre cela serait une précision utile pour les riverains.

L’effet de l’élargissement sur la « centrifugation urbaine » :

Le maître d’ouvrage s’en remet aux documents de planification, notamment au SCoT pour limiter l’effet d’aubaine de la décongestion sur l’urbanisation de communes éloignées qui pourrait induire un trafic supplémentaire. (cf. p. 67 document G ci-dessous)

Or suivant le SCoT de 2009 opposable ci-dessus, à ce jour de larges zones d’extensions de l’urbanisation sont encore possibles à l’Est, notamment à La Farlède, dès lors le maintien des objectifs de trafics semble illusoire.

Conclusion :

Les éléments de contexte de la concertation qui a eu lieu en 2008 sont obsolètes notamment sur la corrélation du projet avec un réseau de T.C.S.P. efficace, seul susceptible d’offrir des alternatives aux V.P.

Nous n’ignorons pas l’opportunité budgétaire qui a conduit à un élargissement de la concession autoroutière, c’est pourquoi notre critique ne s’adresse pas au maître d’ouvrage qui répond autant qu’il le peut au cahier des charges qui lui a été donné.

Ce que nous regrettons c’est le manque de vision cohérente entre les développements locaux et les besoins de mobilité qu’ils induisent.

Il semble que le parti soit pris de considérer plus que jamais l’autoroute A57 comme le seul axe de liaison de l’urbanisation à l’Est de l’agglomération.

Le SCoT de 2009 qualifie la section en question d’autoroute urbaine sans pour autant en projeter des caractéristiques particulières de requalification.

Le dossier très bien détaillé précise que le trafic de transit sur cette section ne représente que 29% de la circulation. Du carrefour Benoît Malon, au moins, jusqu’à l’échangeur de la Bigue, la majorité des utilisateurs font du cabotage, faute sans doute d’offre de déplacement alternative appropriée à leurs besoins.

A la question de l’encombrement la réponse est d’élargir la voie et même d’y amplifier les rabattements plutôt que d’en analyser les causes et les solutions plus diversifiées.

Il manque une analyse des besoins de déplacements et des réponse plus circonstanciées, plus localisés et surtout composant urbanisme et déplacement dans un souci de qualité environnementale.

Nous sommes ainsi naturellement conduits à contester la forme très autoroutière de l’aménagement pour répondre à des besoins majoritairement urbains.

Ne faut-il pas dès lors comme l’Institut d’Aménagement Urbain de l’Ile de France, notamment sous la plume de Paul Lecroart, le préconise imaginer un traitement plus urbain ?

Un boulevard ou plutôt une avenue puisqu’ elle mènerait au centre de l’agglomération.

Ce projet n’atteint pas l’objectif principal de décongestion et a des effets négatifs sur le fonctionnement urbain et la qualité environnementale des espaces traversés.

Il accentuera durablement la coupure de la partie Est de l’agglomération

Il ne favorisera pas des solutions de circulations alternatives à l’automobile

Il interdira une recomposition urbaine des quartiers traversés qui verront leur environnement dégradé.

Pour lui donner du sens, et répondre aux vrais besoins il faut une étude globale de schéma directeur d’infrastructure permettant de déterminer le fonctionnement des infrastructures existantes et leur adaptation aux besoins futurs pour situer cette voie dans un contexte durable à l’échelle du territoire du SCoT.

Indépendamment de cette réflexion, la conception d’une vraie gare sous l’autorité d’un M.O. unique à Sainte Musse reste une vraie opportunité pour assurer les échanges entre les trois modes de T.C.

Si malgré nos fortes réserves sur son bénéfice ce projet devait être réalisé nous demandons instamment de :

– Traiter la chaussée grâce à un revêtement absorbant le bruit,

– Diminuer la vitesse,

– Multiplier les franchissements en modes actifs.

Anne -Marie Reboul

Présidente de Toulon@Venir