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article rédigé par Romain Alcaraz  en date du 22 juillet 2015

Patrimoine. La vente aux enchères du fort du Grand Saint-Antoine, classé monument historique, est programmée le 28 juillet. Des associations s’élèvent contre la perte de ce bâtiment unique.

A saisir : Toulon, fort classé, terrain arboré

« Pas mal pour 630 000 euros… » Sous un soleil de plomb, la rade offre l’un de ses plus beaux profils d’ici.

Un peu décalé par rapport à la magnifique vue qui est offerte aux mirettes des touristes prenant le téléphérique, le panorama qu’offre l’entrée du fort du Grand Saint-Antoine n’est vraiment pas moins joli.

Effectivement, c’est pas mal pour une somme qui paraît dérisoire au regard du bâtiment qui trône sur les pentes du Faron. Et pourtant, mardi 28 juillet, ce sera bien la mise à prix de départ pour la vente du monument historique (classification qui date du début de l’année dernière, lire cidessous). Une vente aux enchères qui reste en travers de la gorge de celui qui admire le point de vue.

Valentin Giès, président de l’association Toulon@venir, se fait là le porte-parole de plusieurs dizaine de citoyens, dont les membres de l’Association de défense et protection du Faron, eux aussi abasourdis du tour que prend l’”affaire”.

« L’imaginaire est la seule limite »

Pour les défenseurs du mont toulonnais, il y avait des choses à faire avec ce fort. « Il est magnifique, en très bon état. »

Effectivement, difficile de trouver, en extérieur, autre défaut que les impacts historiques de bombes sur la façade. Une sérieuse opération de débroussaillage doit tout de même être envisagée, mais c’est tout. En apparence.

Car d’après l’adjointe au maire de Toulon, Geneviève Lévy (LR), les investissements à réaliser seraient l’obstacle insurmontable empêchant la Ville d’acquérir et de réhabiliter ce lieu. « On ne peut pas grever les budgets des collectivités. C’est inenvisageable par les temps qui courent. »

Sont pointés notamment les frais liés à la mise en accessibilité en vue d’accueillir le public, les frais de réalisation d’un parking, les frais de fonctionnement… « Cette vente, je la regrette, mais je comprends l’État : nous sommes dans les mêmes conditions financières, le patrimoine dormant doit être vendu… »

Retour aux abords du fort, avec Valentin Giès. L’homme ne nie pas la nécessité de réaliser des travaux, mais estime que « ça vaut le coup ».

« Le fort est en parfait état, ce serait un énorme gâchis de le perdre. Avec le zonage du terrain, il est impossible de construire autre chose ici. Alors il faut savoir mettre en valeur le bâti qui existe. » Les atouts ne manquent pas pour le responsable associatif.

L’accès encore à double sens du site, la modulabilité des lieux (avec « des salles partout »), la présence de nombreuses terrasses…

Pour les partisans d’une reprise publique du fort, « l’imaginaire est la seule limite » quant à l’utilisation que pourrait faire une collectivité du fort du Grand Saint-Antoine. « Des salles de séminaires, un lieu culturel, des zones de restauration… » Ca donne envie.

Et c’est un manque d’ambition que regrette l’Association de défense et protection du Faron ou Toulon@venir : « Nous ne prétendons pas avoir la science infuse, mais il faut s’ouvrir sur ce qui se fait ailleurs, demander conseil… Ce lieu appartient au patrimoine militaire, historique de la ville. C’est un joyau qui doit s’ouvrir à tous. »

Et pas à un particulier… Car c’est ce qui pend au nez de la structure. « Nous envisageons la possibilité d’envoyer des membres des associations lors de la vente aux enchères, pour avertir qu’on ne laissera pas faire n’importe quoi ici. » Le message est clair : « Nous serons vigilant à ce que les règles de l’urbanisme soient respectées. » Histoire de ne pas reproduire les erreurs commises par Luc Besson, le cinéaste s’étant porté acquéreur d’une bâtisse classée au Cap Bénat à la fin des années 90, et que la Justice avait condamné après avoir constaté des modifications illégales du site… ROMAIN ALCARAZ

Un peu d’histoire…

Les fortifications du Mont Faron ont fait l’objet d’un dossier composé par Marie-Odile Giraud, chargée d’études documentaires à la Conservation régionale des monuments historiques (CRMH). Le Fort du Grand Saint-Antoine et ses deux tours associées, la tour de l’Hubac et la tour Beaumont, sont au coeur de ce dossier disponible sur le site du ministère de la Culture, et dont nous reprenons ici de larges extraits : « Vauban, chargé à la fin du 17ème siècle du projet d’agrandissement de l’arsenal de Toulon, avait conçu la défense de la ville principalement sous l’angle de celle de sa rade, estimant l’enceinte urbaine et les collines alentour suffisantes pour répondre à une attaque terrestre.

Les épisodes de l’été 1707 (guerre de succession d’Espagne) au cours desquels les troupes savoyardes entreprirent de contourner le Mont Faron pour prendre à revers les Français, posaient les limites de ce raisonnement. (…)

Véritablement décidée en 1835, l’occupation militaire du Faron par des ouvrages permanents s’inscrivait dans le projet d’ériger autour de la ville et de la rade un rideau défensif de forts. (…)

Sur le contrefort ouest du Faron, le fort du Grand Saint-Antoine a pour mission de contrôler le débouché de la vallée de Dardennes.

Considéré comme l’ouvrage le plus urgent à réaliser pour empêcher le contournement du Faron, le fort fait l’objet d’une décision de principe dès 1836, ses grandes lignes sont arrêtées par le Comité des fortifications en juillet 1842 et le projet détaillé, conçu par le capitaine Noël, est réalisé de 1842 à 1845.

Masse de pierre calcaire grise totalement hermétique mais d’où rien n’échappe à la vue, le fort a été construit avec les matériaux provenant du creusement du fossé dans le roc. Sa configuration générale est représentative des principes d’architecture militaire alors en vigueur. Le tracé est pentagonal et bastionné. (…)

La porte du fort s’ouvre sur le côté le moins exposé, au sud et face à la ville, après avoir franchi un pont-levis. L’entrée se fait par un passage voûté encadré de deux corps de garde.(…)

Pour la défense rapprochée de l’ouvrage, la courtine orientale est percée de nombreux créneaux de fusillade. (…)

Constituant la pièce maîtresse de la mise en défense de la partie Ouest du Mont Faron élaborée dans le cadre de la construction de la première ceinture des forts détachés de Toulon autour de 1840, le fort du Grand Saint-Antoine a été inscrit au titre des monuments historiques en totalité, y compris ses fossés et glacis, par arrêté du 27 février 2014. »

630 000 euros sont le minimum requis pour participer à la vente aux enchères du fort du Grand Saint Antoine qui doit se dérouler le mardi 28 juillet, en l’étude de Maître Stéphane Boyer, notaire à Toulon, 323, rue Jean-Jaurès. Une dernière visite est programmée avant l’adjudication aujourd’hui, mercredi 22 juillet, de 14h00 à 16h00.

66 779 mètres carrés composent « le surplus de terrain en nature de pinède et garrigue » compris dans le lot en vente la semaine prochaine. A savoir l’extérieur du fort du Grand Saint Antoine. « L’ensemble du fort est alimenté en eau et en électricité », souligne l’affiche apposée sur la grille du fort, après le pont-levis.

74 510 mètres carrés composent l’intégralité des deux lots cadastraux en vente. Soit les lots EW numéro 6 et EW numéro 134. Ou 137. L’affiche préférant le second chiffre alors que le site cadastre.gouv dénommant la parcelle sous le premier numéro. Un erreur de nature à tout remettre en question ? Quand même pas…